Dom Ferrer Band
(FR)
Samedi 28 mai 2022
Rencontrer Dom Ferrer, c’est comme
ouvrir une carte routière. Pas une appli avec la voix
de la dame qui prononce les mots bizarrement et vous envoie
d’un endroit à un autre au plus vite. Non, plutôt une carte à
l’ancienne, avec les plis usés, des
endroits annotés et d’autres cachés.
On n’y cherche pas seulement sa
route, on y trouve son chemin. Dom Ferrer est français. Mais on
s’en fout un peu. Parce que ce qui définit un homme, c’est
peut-être moins d’où il vient que les routes qu’il suit. Dom
Ferrer a 57 ans. Mais on s’en fout un peu. Parce qu’il avoue avoir
envisagé la musique sérieusement à partir de 50 ans, et que Your
Rules Are Not Mine est seulement son troisième
album. Il avait composé le précédent lors d’un road-trip
entre l’Idaho et la Louisiane, puis
l’avait enregistré dans l’Arkansas avec des musiciens de
l’Oklahoma. Le nouveau est made in France, mais c’est la suite du
voyage.
Ça commence par Ain’t We Gold, un blues-rock tanné, avec un son de guitare beau comme des piqûres de rouille sur les chromes d’un pare-chocs. Il y a d’autres chansons comme celle-là sur l’album : The Last House et son riff imparable, Just A Little Rain qui sonne comme une errance au milieu de puits de pétrole, ou la déclaration d’indépendance au fronton de l’album, Your Rules Are Not Mine. Le son d’une antique Gretsch demi-caisse, l’énergie des musiciens qui enregistrent en même temps dans la même pièce, la voix d’un homme en révolte, qui pourrait crier fort mais préfère chanter. Il pourrait pleurer, aussi. Car il y a une belle brochettes de ballades chargées d’émotion sur l’album, des chansons d’aires de repos, pour quand le réservoir est à sec et le cœur gros. Et puis il y a Rebel, Rebel, la reprise de David Bowie. Parce que c’est une des plus belles chansons du monde, et parce que c’est une chanson importante pour Dom Ferrer, la première qui ait vraiment compté pour lui. A 11 ans, il avait acheté l’album Diamond Dogs avec son frère, et tout de suite adoré Rebel, Rebel.
De Rebel, Rebel il y a plus de 50 ans à Your Rules Are Not Mine aujourd’hui, la trajectoire est cohérente, le chemin de vie de Dom Ferrer se raconte. Il n’a pas d’autre ambition que de jouer ce disque sur scène, passer deux ans en tournée et puis refaire un disque. Cet album s’écoute comme on lit une carte routière. Et l’avantage, c’est qu’on aura jamais besoin ni envie de la refermer.
La carte de Dom Ferrer
Chamrousse, dans les Alpes.
Sa première route commence ici, et c’est plutôt un chemin de
terre. Il passe son enfance dans les fermes, au cul des vaches. Et
sur des skis, il en fera son métier. C’est en Isère qu’il achète
son premier disque, Diamond Dogs de Bowie
choisi pour sa pochette. Rebel Rebel
est sa chanson préférée.
Ensuite, au lycée où il est
interne, Dom découvre Springsteen,
AC/DC, Dire Straits, JJ Cale.
Il commence à jouer de la
guitare et à composer.
La Corse. Dom Ferrer y fait son service militaire, avec un rituel: chaque matin, tous les jours, regarder au moins un quart d’heure du film Easy Rider. Pour tenir la journée.
Copper Mountain, Colorado. Après l’armée, au milieu des années 80, Dom Ferrer est prof de ski au Club Med. Envoyé dans une station de ski au Colorado, il sort sa guitare le soir au bar. Et découvre la musique de Ry Cooder, John Mellencamp ou Tom Waits. Quand la saison est terminée, il prend sa voiture (un gros break Chevrolet vintage, d’abord modèle Caprice puis un Suburban) et roule à la découverte des Etats-Unis. Son endroit préféré n’est même pas indiqué sur la carte : c’est celui où il s’arrête le soir pour se laver dans la rivière et bivouaquer.
Giromagny
Pendant de longues années, Dom Ferrer va se poser à
Giromagny, entre Belfort et le Ballon d’Alsace. Il élève une
quarantaine de chevaux, enseigne l’équitation et toujours le ski.
Des années trop longues, trop lourdes. En plein burn-out, il
finira par tout lâcher et repartir.
Tulsa, Oklahoma.
Un jour, Dom Ferrer décide d’explorer ce coin des Etats-Unis
dont le nom est associé à quelques-uns de ses héros musicaux, JJ
Cale, Woody Guthrie ou Leon Russell. Il passe sa première soirée
dans un bar, la nuit sur
un canapé et les jours
suivants à se faire adopter
par la scène musicale locale. Depuis, il
retourne tous les ans à Tulsa. Son van Dodge l’attend chez des
amis.
Suisse Normande
A l’Est de Caen, c’est
la partie la plus vallonnée de
la Normandie. Pas assez haute
pour le ski, mais suffisamment
tranquille pour qu’après son
burn-out alsacien Dom Ferrer s’y
installe dans une ferme à retaper, avec
des chevaux, un chien et un chat.
« Si mon album était un Etat américain, ce serait l’Alaska. Pour l’espace et la liberté de faire ce qu’on veut ».